Les mères qui ont subi des violences conjugales sont souvent accusées d’être « aliénantes » devant les tribunaux de la famille. En décembre 2022, l’Association nationale Femmes et Droit a soumis un mémoire au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour lutter contre ce phénomène. Vingt-huit organisations canadiennes ont appuyé notre soumission!
Quel est le problème avec les accusations d’aliénation parentale?
La « théorie de l’aliénation parentale » fait référence à la croyance selon laquelle, lorsqu’un·e enfant ne veut pas voir son père, c’est parce qu’il ou elle a été influencé·e par sa mère. Ce système de croyances, qui n’a aucun fondement scientifique, est de plus en plus utilisé pour punir les mères considérées comme « hostiles » ou « rancunières », ou qui s’opposent aux contacts entre l’enfant et le père. Les recherches montrent que, bien que l’« aliénation parentale » se présente comme une théorie non genrée, c’est plus souvent les mères, et particulièrement les victimes de violence conjugale, qui sont considérées comme aliénantes. En effet, une mère qui dénonce des violences familiales, qui demande à avoir la garde de l’enfant, ou qui exprime des inquiétudes sur la capacité parentale du père est souvent suspectée d’aliénation, même si elle n’a rien fait pour dénigrer le père. Ce phénomène est particulièrement préoccupant pour l’ANFD parce qu’il peut dissuader des victimes de dénoncer des violences familiales.
La logique de l’« aliénation parentale » conduit au blâme des victimes: les victimes de violences conjugales sont responsabilisées pour la violence du père ou pour ses conséquences. Un constat d’« aliénation parentale » peut amener les tribunaux à confier des enfants à des pères violents, même lorsque des violences conjugales sont prouvées ou admises par le père!
Le présupposé du système judiciaire selon laquelle les mères devraient être responsables de la qualité du lien père-enfant place les victimes de violence entre l’arbre et l’écorce à plusieurs niveaux:
- Si l’enfant a peur du père ou le rejette, la mère est suspectée d’hostilité ou d’aliénation. Si l’enfant aime le père, on reproche à la mère de demander la réduction des contacts avec le père malgré une relation père-enfant positive.
- Si la mère n’accorde pas volontairement plus de temps parental au père, elle est considérée comme intransigeante et aliénante. Si la mère accorde volontairement plus de temps parental au père, ses préoccupations quant à la sécurité de l’enfant sont considérées comme exagérées (elle risque également d’être blâmée par les services de protection de la jeunesse pour avoir échoué à protéger l’enfant si le père commet des violences à son égard).
- Si la mère ne fait pas tout son possible pour favoriser une relation père-enfant positive (qui peut n’avoir même pas existé avant la séparation), on lui reproche de ne pas prioriser la relation père-enfant. Si elle le fait, ses allégations de violence ou de manque de capacité parentale du père ne sont pas crédibles.
- Si la mère agit de manière unilatérale (par exemple, en déménageant avec l’enfant ou en refusant de permettre des contacts père-enfant), elle est sévèrement jugée et même punie. Si elle va plutôt en cour, les positions qu’elle avance sont considérées comme des preuves d’hostilité ou d’aliénation, même en l’absence de dénigrement du père.
Que fait le l’ANFD pour combattre ce problème ?
Mettre fin aux violences faites aux femmes fait partie des priorités de l’ANFD, et l’une de nous stratégies pour y parvenir consiste à combattre l’utilisation de la théorie de l’« aliénation parentale » contre les mères. En décembre, nous avons soumis un mémoire au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Notre mémoire explique que le problème des accusations d’« aliénation parentale » est encore plus étendu qu’il n’y paraît, et que cette théorie est désormais extrêmement répandue dans les cas de garde ou de protection de la jeunesse, entraînant des conséquences dangereuses. Pour aborder ce problème, nous proposons une approche qui combine la ceinture et les bretelles : il faut à la fois prévenir les accusations et les constats d’« aliénation parentale », et améliorer la réponse du système judiciaire à la violence familiale de façon générale.
Vous pouvez lire notre mémoire complet (en anglais) ici.